J’attire l’attention du visiteur sur le caractère fondamentalement intime et fragile de ces images. Un compagnonnage qui s’est inscrit dans la durée, doucement sans violence, sans bruit et scellant une sorte de pacte dédié au souvenir des vivants comme des morts. Chaque visage ici est toute une histoire dite et redite et maintes fois entendue. Chaque ride est un message social fort plus que jamais dans l’actualité mais aussi loin de ses turpitudes. Chaque arrêt devant ces tombes, chaque pause devant ces sépultures est une suspension du temps, une confrontation directe avec la mort : visite conjuratoire, temps de souvenir ou besoin intellectuel de compréhension ? Tout ceci se mêle dans cet univers où la mort et les morts parlent. Plus que par une adhésion morale intellectuellement élaborée, je mesure à travers la fréquentation de ces nécropoles, de ces espaces ce qu’il peut y avoir d’insupportable dans la réaction de toute conscience humaine saine, dans la profanation de ces lieux où se mêlent fragilité, vulnérabilité et une sacralité diffuse aussi. Je me suis toujours interrogé pour savoir à quel besoin, à quelles sollicitations ou à quelle urgence j’ai cédé pour donner à voir et pour extraire toutes ces images de mes archives précieusement rangées comme des bouts vie désormais familiers et même intimes et constituées depuis de longues années ? Il y a certainement en cela un souci militant pour une réhabilitation sociale de ces réalités désormais partie prenante de notre vie. Il y a certainement encore le besoin de rendre visible ces latéralités humaines dont il ne ressort : ni révolte, ni résignation mais une sorte d’indifférence consommée.