La question des personnes âgées au Maroc s’impose comme une réalité démographique, sociologique ou même sanitaire et doit en tant que telle être prise en compte par la collectivité nationale. Sans préjuger des valeurs religieuses, culturelles et sociales d’entraide et de solidarité très enracinées dans notre identité, les mutations sociologiques que connait le Maroc nous imposent la mise en œuvre de politiques sociales de la vieillesse garantes au côté d’autres édifices sociaux, de la neutralisation des risques de désinsertion sociales des aînés, de leur marginalisation ou de leur isolement.
Les données démographiques disponibles concernant le Maroc, attestent des réelles transformations sociologiques que connaît la société marocaine dans ses structures élémentaires, dans son organisation, dans ses modes de vie : Il ressort ainsi des données du dernier recensement de la population (2014) que : La part des personnes âgées de 60 ans et plus représente 9,6% contre 8,1% en 2004. Ce qui correspond à des effectifs de 3,209 millions en 2014 et 2,376 millions en 2004 et une hausse relative de 35% durant la période intercensitaire. Selon l’âge, plus de la moitié (55,4%) est âgée de moins de 70 ans, 28,0% de 70 à 79 ans et 16,6% de 80 ans et plus. Un peu plus des deux tiers de ces personnes (68,0%) sont mariées (92,2% d’hommes et 44,8% de femmes) et près de 27,7% sont veufs (4,8% d’hommes et 49,6% de femmes). Malgré leur âge avancé, près de 18,8% de ces personnes sont des actifs occupés (34,8% d’hommes et 3,4% de femmes). Ce pourcentage est de 15,1% en milieu urbain contre 24,0% en milieu rural. Il est à noter par ailleurs, que 5,2% (170 130) de personnes âgées vivent seules, dont 73% (124 615) de femmes.
Ainsi, notre pays est désormais concerné par des préoccupations gérontologiques qui appellent le déploiement de stratégies sociales et sanitaires attentives aux conditions de vie des personnes âgées, à leurs moyens de subsistances, au risque d’isolement qui menace bon nombre et aux conséquences sévères très liées au vieillissement que sont les troubles neurodégénératifs de type Alzheimer ou apparentés.
Aussi, l’émergence d’établissement d’accueil et d’hébergement dédiés aux personnes âgées dans une société dont le fondement structurant reposait d’abord sur les liens familiaux ou de proximité, est un indice que la gestion de la vieillesse et son accompagnement, ne sont plus un domaine exclusif d’une prise en charge des familles. Aux fragilités spécifiques liées à la vieillesse qui requièrent désormais un savoir-faire, s’ajoutent les conditions socio-économiques qui peuvent mettre en péril une vie collective harmonieuse. Ce déplacement pour certains de nos personnes âgées vers des établissements où va désormais continuer à se dérouler leur vie et leur vieillesse doit pouvoir offrir un réel cadre de vie, accueillant, chaleureux, performant dans ses prises en charge, ouvert sur la société et attentif aussi à nos valeurs culturelles, sociales et religieuses.
C’est partant de cela que l’intervention de la collectivité nationale devient de plus en plus nécessaire pour accompagner l’essoufflement des solidarités informelles, par des solidarités formelles, palliatives qui assurent à nos concitoyens vieillissants, vulnérables ou menacés par des risques de marginalisation et de disqualification sociale, les conditions pour se maintenir et vivre dignement.
Tout ceci suppose une attention particulière aux besoins spécifiques de nos personnes âgées, hommes et femmes dans le respect de leur dignité et dans le respect des usages culturels et sociaux de notre société.
Et tout ceci également, ne peut être accompli ou assuré sans l’émergence de réels projets gérontologiques prenant appui sur les besoins et les attentes des aînés, l’amélioration de leurs moyens de subsistance, la formation et la qualification de nouveaux acteurs professionnels au contact de ce public et sans un soutien aux opérateurs associatifs et de la société civile investis dans ces missions.